60 ans de l’Ofpra : les réfugiés témoignent

Méconnu du grand public en dépit des précieux services rendus, l’Ofpra célèbre cette année ses soixante ans d’existence en publiant pour la première fois les parcours et témoignages de celles et ceux qui, un jour, ont trouvé en France une terre d’asile, après avoir échappé aux persécutions dont ils faisaient l’objet dans leurs propres pays.

Plutôt que de nous livrer des statistiques de son exercice depuis sa création en 1952, l’Office Français de Protection des réfugiés et Apatrides, Ofpra, vient de publier trente parcours individuels remarquables dans un joli livre blanc.

Miguel Angel Estrela, ambassadeur d’Argentine à l’Unesco et Nina Mitz, Pdg de FTI consulting, anciens réfugiés, témoignant de leurs extraordinaires parcours.

Sobrement intitulé « Réfugié en France, de l’exil à la reconnaissance », cet ouvrage permettra pour la première fois au grand public de mettre des paroles et des visages sur des chiffres, ainsi que sur la noble mission de protection qu’exerce cette institution. « Je souhaite rendre sensible et intelligible, l’histoire de ces migrants particuliers que sont les réfugiés aux XXè et XXIè sièce », écrit Jean-François Cordet , directeur général de l’Ofpra en préface. L’exercice est d’autant plus délicat que le statut de réfugié ou apatride nécessite un minimum de discrétion pour des raisons évidentes de sécurité. Ce qui sans doute confère à l’ofpra l’image d’une institution froide, assez éloignée du public.

Pourtant, à lire les trente parcours relatés dans ce livre, on mesure le service combien humain que cette institution a rendu à plus de 800.000 personnes venues de tous les continents, menacés dans leurs pays ou privés de leur nationalité. De son côté, Agnes Fontana, sécrétaire générale de l’Ofra, reconnaît que cet office « n’a jamais su parler de lui. Notre mission est encore mal connue du grand public ». D’où l’idée de publier un livre sous forme de galerie de portraist de réfugiés venus du monde entier. Comme celui de Nina Mitz, réfugiée polonaise de 1951 à 1965, actuellement Pdg de FTI consulting, l’un des plus importants cabinets internationaux de conseil en communication stratégique financière et média, en tête du classement mondial sur les opérations fnancières et la communication avec les média.

Nul ne sait si son brillant parcours eut été possible sans la protection accordée par l’Ofpra à ses parents, entrés clandestinement en France en 1947, après avoir fui les persécutions dont les Juifs avaient fait l’objet en Pologne entre 1939 et 1945. Nina ne peut oublier que pendant 15 ans, le passeport Nansen délivré par l’OIR, organisation internationale de réfugiés, a été le seul document qui leur donnait « une existence légale ». Elle est convaincue que « l’image de la France dans le monde dépend aussi du droit asile ». Aussi, a- t elle déploré qu’aucun ministre ne soit venu pour commémorer les 60 ans de l’Ofpra au Centre d’accueil de la presse étrangère ce mardi 25 septembre à Paris.

« Au sommet des institutions des droits de l’homme »

Des témoignages, les uns aussi poignants que les autres se sont succédés au Cape, dévoilant à la fois la noblesse et la complexité de la mission de l’Ofpra. Pour Miguel Angel Estrella, ancien réfugié argentin, actuellement ambassadeur de son pays à l’Unesco, l’Ofpra devrait « être classé au sommet des institutions de droits de l’homme ». Grâce à l’Ofpra, dit-il « je suis encore en vie ». Et de raconter comment il est arrivé en France en 1980, avec plein de séquelles de torture, après avoir échappé à ses bourreaux. Allusion ainsi faite à l’implacable dictature instaurée en Argentine à partir des années1976, avec son cortège d’enlèvements et de disparitions. Passionné de musique, c’est dans ce domaine qu’il poursuit sa lutte pour la promotion des droits humains. Reconnu comme un des plus prestigieux pianistes argentins, Estrella a crée la fondation Musique Espérance dont l’Orchestre pour la paix réunit jeunes arabes et israéliens. Ils ont donné des concerts en France et au Luxembourg afin de promouvoir les idéaux de l’Unesco. En 2000, Estrella a reçu le prix Nansen et le prix de Nations –unies pour les trois Amériques.

Les parcours exceptionnels révélés dans ce livre, sans être exhaustifs, ne devrait cependant pas occulter les problèmes et la stigmatisation dont sont parfois victimes les réfugiés. Surtout en ce temps de crise économique et financière où les migrants passent pour de bouc émissaires que certains politiques tentent de sacrifier sur l’autel de l’austérité en Europe.

A ce propos, Jean Gaermink, président du Conseil d’administration de l’Ofpra affirme que depuis des années, l’Ofpra se bat pour emmener l’administration publique à faire la différence entre réfugiés et immigrés. « La logique de protection ne devrait pas être celle appliquée à tous les étrangers » pense t’il.

La confusion vient souvent du fait que les demandeurs d’asile, même s’ils n’obtiennent pas systématiquement le droit d’asile, bénéficient d’une protection de l’Ofpra le temps de l’examen de leur demande.

Qu’à cela ne tienne, M. Gaermink compare le travail de l’Ofpra à celui d’un sismographe qui mesure toutes le tensions de la planète, lesquelles se traduisent par les demandes d’asile et leur flux de provenance. En 2012, la République démocratique du Congo est le premier pays de provenance des demandeurs d’asile. Situation qui s’explique autant par la crise post électorale de fin 2011 et la résurgence des mouvements insurrectionnels à l’Est . Les taux d’admission les plus élevés concernent les Maliens avec la situation de chaos et d’occupation du nord de ce pays sahélien par des groupes islamistes.

Léon Awazi Kharomon 

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